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GéMagazine n°175 : Alexandre Dumas fils

Octobre 1998

Alexandre DUMAS, fils du grand feuilletoniste Alexandre DUMAS père.

Sur nos écrans passe une nouvelle version[i] du Comte de Monte-Cristo, avec Gérard Depardieu[ii]. Ouvrage documentaire en huit parties sur la capitale française, les «impressions de voyages dans Paris» d'Alexandre Dumas père, devinrent, sur la suggestion de l'éditeur Plon «Le comte de Monte-Cristo» (1845). Cette œuvre noire et mélodramatique est un fait divers authentique; il devint un des plus fabuleux best-seller de son temps. Alexandre Dumas père avait découvert cette histoire dans les «Mémoires tirés des archives de la police de Paris» parus sous la signature de l'archiviste de la préfecture. Le roman fut d'abord publié en feuilleton dans le Journal des Débats, et du coup, Alexandre Dumas père acquit une réputation d'écrivain populaire.

[i] Feuilleton français en quatre épisodes de Josée Dayan [lundi 7, 14, 21 et 28 septembre 1998 - TF1].

[ii] Alliance de Pierre Davy avec Anne de Pardieu en 1750.

 

Alexandre Dumas fils, célèbre grâce à son roman «La Dame aux Camélias» (1848), naquit de la brève union de son père avec Marie Catherine Laure Labay, native de Belgique, mais, semble-t-il, de parents français. Son ascendance paternelle compte des normands, des picards et des esclaves noirs.

 

Les Davy de la Pailleterie.

L'ancêtre le plus lointain connu, Isambart Davy (n°2048), reçut le fief Cavenas en 1410 et acheta celui de Réneville en 1458, terres situées dans le pays de Caux, cette région normande au nord de la Seine. Un de ses fils Thomas Davy (n°1024), écuyer, seigneur de Réneville en 1486 eut huit enfants dont: Olivier Davy le jeune (n°512), écuyer, sieur de Réneville qui épousa Catherine de Mainbeville (n°513). Pierre Davy (n°256), leur fils, sieur de la Pailleterie, comme héritier de son frère Louis, a épousé le 7 janvier 1750 Anne de Pardieu (n°257). Quatre enfants virent le jour, dont Charles Davy (n°128), écuyer, qui fut marié par contrat en 1602 avec Marthe de Bréville. Charles Davy (n°128) et Marthe de Bréville (n°129) eurent deux garçons, le premier Charles qui continue la branche normande, et Jacques qui est l'auteur de la branche champenoise et parisienne.

 

La branche normande.

Charles Davy (n°64), chevalier de la Pailleterie, est né en 1608 et mort le 24 décembre 1691. Maître d'hôtel ordinaire de la maison du roi, écuyer en sa petite écurie, Charles Davy (n°64) épousa en 1632 à Neufville-la-Ferrière [Neuville-Ferrières/Seine-maritime] Catherine Doulé ou Douglas (n°65) dont il eut deux fils: Jacques Davy, prêtre de Bielleville, et François Davy. Né en juillet 1634 à Bielleville et mort le 22 novembre 1708, François Davy (n°32) fut l'époux de Marie Restout (n°33). Elle lui donna sept enfants dont Alexandre Davy (n°16), né en 1674 qui épousa par contrat à Paris le 26 juin 1711 Jeanne Françoise Paultre de Dominon (n°17).

 

Origine picarde.

Henry et Marguerite Prevot (n°88 et 89) sont hôteliers à Villers-Cotterêts, dans l'Aisne. C'est dans cette ville qu'ont évolué les ancêtres picards d'Alexandre Dumas fils. Symon Duchin (n°86) y est qualifié de jardinier, quant aux autres familles, les Labouret, les Flobert et les Blesson, elles semblent être issues d'une certaine bourgeoisie. La rencontre de Thomas Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie (n°4) avec Marie Louise Labouret (n°5) s'est déroulée dans cette ville qui fut le théâtre, sous le règne de François 1er, en 1539 de la signature d'une ordonnance qui imposait le français dans les actes officiels.

 

De Saint-Domingue à Saint-Germain-en-Laye.

Alexandre Antoine Davy (n°8), fils aîné d'Alexandre Davy et de Jeanne Françoise Paultre de Dominon, est né et ondoyé «à cause du péril de mort» le 26 février 1714. Militaire, il s'installa à Saint-Domingue et eut d'une esclave noire, Marie Césette Dumas (n°9), quatre enfants. Revenu en France en 1775, Alexandre Antoine Davy (n°8) se marie en 1786 à Saint-Germain-en-Laye avec Marie Retou et y décède en juin suivant. C'est en fait le 14 février 1786 à Saint-Germain-en-Laye que Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie (n°8), qualifié d'écuyer épouse Marie Françoise Elisabeth Retou, fille majeure des défunts Victor Retou, vigneron, et de Charlotte Delaveau. Ils ont publié un ban le 5 février précédent et ont obtenu la dispense pour les deux autres de Monseigneur l'archevêque de Paris. Ils sont accompagnés de Denis Vivario, de Louis Renaud, et de Léonard Terry, tous trois amis et bourgeois, et de Jacques Ignace Pollut, prêtre. Le vendredi 16 juin suivant, le corps d'Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie (n°8), mort le jour précédent, est inhumé au cimetière, suivie d'une messe chantée en présence du clergé et des sieurs «Denis Vivariot et Louis Regnault, bourgeois et amis du décédé».

 

Le «général Dumas»

Thomas Alexandre Dumas-Davy (n°4), le dernier fils né de Marie Césette Dumas (n°9) et de Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie (n°8), débarque en France en 1776 sous le pseudonyme de Thomas Rétoré. Engagé en 1786 au régiment des dragons de la Reine, il sert à l'armée du Nord puis à celle des Pyrénées dont il assume le commandemant en 1792 et 1793. Il accompagne Bonaparte en Egypte, et rentre en France en 1801. Connu sous le nom de «général Dumas», il épouse le 28 novembre 1792 à Villers-Cotterêts Marie Labouret, fille d'un aubergiste, dont il eut trois enfants. Alexandre Dumas (n°2), le futur romancier,  prit le nom de Dumas-Davy de la Pailleterie par jugement du Tribunal civil de première instance de Soissons le 27 avril 1813. Né le 24 juillet 1802 à Villers-Cotterêts, il décède près de Dieppe le 5 décembre 1870.

 

Naissance et reconnaissance.

C'est un jeudi, le 29 juillet plus exactement, de l'année mil huit cent vingt quatre, que fut enregistrée la naissance d'un garçon né du 27 et prénommé Alexandre. Alexandre a vu le jour au domicile de sa mère au n°1 place des Italiens, rebaptisée depuis place Boieldieu. Il est le fils naturel de Marie Catherine Labay (n°3), qualifiée de couturière et âgée de trente ans. Les témoins sont un chirurgien-dentiste, Louis André Desmarais, et un tailleur, Jean Hippolite Dardoux.

Alexandre fut reconnu le 21 avril 1831 à la mairie du deuxième arrondissement de Paris par sa mère; son père, Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie (n°2), l'avait reconnu quelques jours auparavant, le 17 mars 1831 devant maître Jean Baptiste Martin Moreau, notaire à Paris.

C'est ainsi qu'Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie (n°2), qualifié d'homme de lettres, et qui demeurait alors à Paris, rue de l'Université, au n°25, sur le faubourg Saint-Germain, a déclaré reconnaître volontairement pour son fils naturel l'enfant né à Paris le 27 juillet 1824 issu de lui et de Marie Catherine Labay, inscrit sous le prénom d'Alexandre.

 

Marie Catherine Labay.

Dite originaire de Bruxelles dans l'acte de naissance d'Alexandre, Marie Catherine Labay (n°3), quelques fois prénommée Marie Catherine Laure, est en fait native d'Etterbeek, en Belgique. Les tables de naissances de 1792 à 1801 de la commune d'Etterbeek, portent la mention de la naissance de Marie Catherine Labey [au lieu de Labay] au 8 juin 1793. Malheureusement, les registres d'état civil ne débutent qu'en mil sept cent quatre vingt dix huit.

Les tables de baptêmes de la période 1779-1794 ne font pas mention d'un quelconque baptême au nom de Labay, ou orthographes voisines.

 

Résident de Marly-le-Roi.

C'est à neuf heure du matin précise, le 28 novembre 1895 à Marly-le-Roi, que s'éteint en son domicile, n°1 rue Champflour, Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie (n°1), homme de lettres, membre de l'Académie française et Grand-Croix de la Légion d'honneur. Les témoins, Ferdinand Arthur Ernest Lecourt d'Hauterive, lieutenant au 10è régiment de chasseurs à cheval en garnison à Moulins dans le département de l'Allier, son gendre, et Emile Pilotte de la Charlottrie, chef de bureau au chamin de fer de Paris-Lyon, son filleul, déclarent qu'il est l'époux de Henriette Marie Cécile Régnier de la Brière, et «veuf de Nadaja Knorring».

 

Une maison à Marly-le-Roi.

Monsieur Dumont, greffier à Marly-le-Roi, est mandaté le 6 mars 1896 pour déclarer le décès au Bureau de l'enregistrement de Marly-le-Roi. Il énonce, entre autres, que le domicile du défunt se situe à Paris, rue Alphonse de Neuville n°22, qu'il laisse une veuve, Henriette Marie Cécile Régnier de la Brière, et deux filles, Marie Alexandrine Henriette dite Colette, épouse divorcée de Maurice Lippmann, et Olga Marie Jeanne dite Jeannine, femme de Ernest Arthur Ferdinand Lecourt d'Hauterive. Un inventaire est dressé par maître Pierre Marie Delapalme[i], notaire à Paris le 6 décembre 1895, et le testament olographe fut déposé le 30 novembre 1895. Seule une propriété comprenant une maison d'habitation, jardin, terrain et dépendances, d'un revenu annuel de 4.000 francs, dépend de ce Bureau; le mobilier garnissant la maison est estimé à 22.326 francs.

 

Succession à Paris.

Le même jour, soit le 6 mars 1896, une autre déclaration fut enregistrée au 6ème Bureau de l'Enregistrement de Paris, Bureau dont dépendait la rue Alphonse de Neuville. Le déclarant stipule les biens du décédé tant en obligations, de la Ville de Paris, de Panama, du Canal des Deux-mers, qu'en valeurs, dont une au nom de Eugénie Martin femme Gaigoux dite Marville afin de lui garantir une rente viagère léguée par Mr de Beaumont, duquel Alexandre Dumas, était légataire universel. Il est fait mention des soldes de comptes de l'éditeur Calmann-Lévy (14.000 francs), de son agent dramatique, Mr Roger (5.800 francs), de ses droits d'auteur (50.000 francs), et de ses droits dans la succession de son père (12.000 francs). La dot payée à Mme d'Hauterive par un acte passé chez maître Emile Delapalme[ii], notaire à Paris le 7 octobre 1890 est évaluée à 38.000 francs. L'actif de la succession s'élève alors à 1.228.155 francs. Alexandre Dumas fils transmet aussi une rente de 3.000 francs à Emile de la Charlotterie qui demeure rue Blanche n°56, son filleul semble-t-il.

 

Legs particuliers.

Plusieurs legs particuliers furent enregistrés; c'est ainsi que le buste par Carpeaux[iii] fut léguée à la Comédie française, un paysage de Vollon[iv] à Mr Chéramy avoué, deux groupes de Saxe, à Mme Flahant, un intérieur de cour de Vollon, à Georges Clairin, une Matès Dolorosa de Beaumont[v], à Mme Delaporte, un manuscrit de l'affaire Clémenceau, à Joseph Primoli, un autre dessin de Vollon, à Edouard Detaille, un personnage Louis XIII, à Gustave Roger, une tête d'homme de Gustave Doré[vi], à Giacomelli, une femme couchée de Georges Lehmann, à Mr Claretie, une coupe en porcelaine de Sèvre, à Olympe Beaufrin, une marine de Mathey au Dr Bouchard, un jeune arabe de Rossel Granger, au Dr Tripier, une grande amazone de Georges Lehmann à Victorien Sardou[vii], son portrait par Bonnat[viii] et ses manuscrits, à sa veuve, son portrait par Dubrife à Mme de Hauterive, un autre portrait à son petit-fils, Alexandre Lippmann, et un portrait par Boulenger, à Serge Lippmann, son autre petit-fils. Ainsi Alexandre Dumas fils a confié des objets choisis par lui à ses amis et à sa famille, ces personnes qui faisaient partie de son proche entourage.

 

Son second mariage.

Le décès de l'épouse d'Alexandre Dumas fils, nommée «Nadezda Ivanovna», veuve en premières noces d'Alexandre Narischkine, est enregistrée sous les nom et prénoms de «Nadine de Knorring» le 4 avril 1895 sur le dix-septième arrondissement de Paris. Âgée de soixante huit ans et native de Moscou (Russie), elle est la fille de Jean de Knorring et de Olga. Quelques semaines plus tard, le 26 juin 1895 sur le même arrondissement, Alexandre Dumas fils épouse en secondes noces Henriette Marie Cécile Régnier de la Brière, née à Paris le 22 novembre 1851, fille de François Joseph Régnier de la Brière et de Henriette Louise Laure Grevedon; elle est divorcée de Nicolas Félix Escalier. Les époux sont accompagnés de Charles Dupérié, amiral, Joseph Bertrand[ix], mathématicien, Ernest Legouvé[x], homme de lettres, et Edmond Rousse, avocat, chevalier de la Légion d'honneur, ces trois derniers dits «membres de l'Académie française».

 

La famille Narischkine.

Alexandre Dumas fils a épousé la veuve Narischkine. Olga Narischkine, sa belle-fille, est née à Paris le 13 août 1847. Elle est la fille de Alexandre Narischkine et de Nadezda Ivanovna, son épouse. L'acte fut reconstitué à la demande du marquis de Faletans, demeurant en 1875 à Besançon sur la production d'un acte de mariage de 1872.

L'événement survenu le samedi 17 août 1872 célébré l'union de Charles Constant dit Nicolas de Thierry de Faletans, marrquis de Foletans, et de «Olga Narischkine, demeurant alors avec sa mère, avenue de Wagram n°120, et fille de féfunt Alexandre Narischkine, décédé à Plainpalais en Suisse le 26 mai 1854 et de Nadezda Ivanovna, épouse en secondes noces de Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie». Un document, traduit du russe et provenant du consulat général de Russie à Paris, précise - qu'Alexandre Narischkine est le fils de Grégoire Narischkine, secrétaire du gouvernement; - que le baptême de la petite Olga eut lieu le 23 août 1847; - et qu'elle eut pour parrain et marraine, Alexis Ivanovitch Naryschkine, conseiller de cour, et Elisabeth Ivanovna Naryschkina, demoiselle d'honneur à la cour de S.M. Impériale, lesquels étaient assistés de Mr le baron Alexandrovitch Korff, colonel en retraite, et de Helen Gustanovna Knoring.

 

Vie publique.

La vie amoureuse du père comme du fils fut mouvementée; le premier se maria en février 1840 avec Marguerite Ferrand, dite Ida Ferrier, dont il se sépara en 1844, eut de nombreuses maîtresses et reconnut deux enfants; le second eut deux filles dont une née avant le mariage et épousa sa maîtresse quelques mois seulement après le décès de sa première épouse. Thomas Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie (n°4) fut tenu à l'écart après son retour en France en 1801 en raison de ses idées républicaines. Alexandre Dumas père (n°2) s'engagea dans le combat républicain en 1848; exilé après le coup d'état du 2 décembre 1851, il meurt ruiné en 1870 malgré des gains fabuleux. Quant à Alexandre Dumas fils, son œuvre porte l'empreinte de sa naissance; il essaya de marier ses parents. Il fut reçu à l'Académie française en 1874.

 

Bibliographie:

«Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXème siècle» de Gustave Chaix-d'Est-Ange. tome 15. pages 32 et 33.

 

Sources:

- recherches effectuées par Gilles Henry.

- recherches effectuées à Paris et aux AD78 par Myriam Provence.

- complément de recherches effectuées aux archives royales à Bruxelles par Chantal Mougel, généalogiste, 19 route d'Avesnes 59440 Haut-Lieu. Tel. 03.27.61.19.12.

 

 

[i] Maître Pierre Marie Delapalme, étude CXVII, notaire à Paris de 1892 à 1906.

[ii] Maître Emile Delapalme, étude CXVII, notaire à Paris de 1861 à 1892.

[iii] Carpeaux Jean-Baptiste, sculpteur et peintre français (Valenciennes 1827-Courbevoie 1875).

[iv] Vollon Antoine, peintre français (Lyon 1833 - Paris 1900).

[v] Charles Edoard de Beaumont, peintre français (Lannion 1821 - Paris 1888).

[vi] Doré Gustave, dessinateur, graveur et peintre français (Strasbourg 1832- Paris 1883).

[vii] Sardou Victorien, auteur dramatique français (Paris 1831 - Paris 1908).

[viii] Bonnat Léon, peintre et collectionneur français (Bayonne 1833- Monchy-Saint-Eloi 1922).

[ix] Bertrand Joseph, mathématicien (Paris 1822 - Paris 1900), reçu en 1856 à l'Académie des Sciences.

[x] Legouvé Ernest, écrivain français (Paris 1807 - Paris 1903).